L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition février 2024

L'assurance en effervescence, le baromètre ! - Edition février 2024

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
16 février 2024 - 7 minutes

Ça bouge dans le microcosme de l’assurance ! L’innovation aux multiples visages se trouve plus que jamais au cœur des enjeux en 2024. Afin d’analyser les tendances de fond, nous faisons appel à l’œil de Florian Graillot et aux experts d’Astorya pour concocter un contenu spécialement pensé pour les pros du secteur : « L’assurance en effervescence, le baromètre ! »

👀 L’œil du VC Florian Graillot

Ces dernières semaines, plusieurs insurtechs, notamment en France, ont annoncé leurs difficultés. Il semble important de prendre de la hauteur pour expliquer le phénomène et ne pas sombrer dans le pessimisme. Tout en tirant des enseignements pertinents pour continuer d’avancer sur les voies de l’innovation.

Florian Graillot

Insurtechs faillites

L’affaire Luko a eu l’effet d’une petite déflagration dans l’écosystème insurtech. Le crash de l’un des projets français les plus emblématiques a conduit à de nombreux commentaires et interprétations, certains en profitant pour valider l’échec depuis longtemps annoncé de l’insurtech.

En outre, la tempête n’a pas embarqué uniquement Luko. Qiti, Dreamquark, Finlex ou Mutumutu ont également cessé leurs activités en France. Outre-Manche, Humn va connaître la même destinée. Et l’on doit s’attendre malheureusement à voir d’autres noms rejoindre la liste dans les mois à venir. Pour autant, il convient de dédramatiser la situation. Et d’analyser cette tendance avec lucidité. Trois points à retenir :

1️⃣ La casse est inhérente à l’innovation

Les pionniers de l’aviation ou de la conquête spatiale ne vous diront pas le contraire. C’est tout particulièrement vrai dans l’univers des startups, avec un taux de survie à dix ans se situant aux alentours de 20%. Pour innover, il ne faut pas avoir peur de l’échec. Celui-ci étant d’ailleurs tout relatif, car chaque projet apporte une contribution au progrès. Ne serait-ce qu’en livrant aux autres des enseignements sur ce qui a bien fonctionné, et moins bien.

L’enchaînement des difficultés actuelles s’explique aussi par le contexte. D’un côté, la sphère insurtech arrive à un premier stade de maturité, caractérisé par un écrémage naturel. D’un autre, le retournement économique n’a épargné personne, avec une année 2023 compliquée en matière d’investissements : -54% en montants investis, -32% en nombre de deals annoncés. Considérant ces paramètres, les difficultés du moment sont tout sauf surprenantes.

2️⃣ Des noms vont s’ajouter à la liste

Il serait tout aussi surprenant de voir le phénomène s’arrêter, et même ne pas s’amplifier. L’an dernier, de nombreuses startups ont cherché à gagner du temps. En réduisant leurs effectifs, en ayant recours à des bridges et en raccourcissant leur roadmap vers la rentabilité.

Elles doivent aujourd’hui trouver un nouvel équilibre et, pour plusieurs d’entre elles, l’heure de vérité approche. Les options se comptent sur les doigts de la main. Devenir rentable. Aimanter de nouveaux fonds. Faire l’objet d’une opération de M&A. Et il paraît malheureusement évident que toutes ne parviendront pas à cocher l’une de ces cases.

3️⃣ La dualité de la technologie

Dans le marché actuel, la principale question des investisseurs cible la valeur ajoutée des projets pour l’industrie de l’assurance. On en a déjà parlé pour le B2C, mais c’est aussi évidemment valable pour le B2B. Il s’agit pour une startup de démontrer ce qu’elle peut apporter au secteur qui, malgré tout, fait face à de nombreux défis.

On en revient à la dualité de la technologie. Elle est bien sûr nécessaire pour se créer un avantage compétitif… mais ce n’est pas suffisant ! La technologie doit répondre à un besoin, résoudre une problématique spécifique, ou permettre d’adresser de nouvelles opportunités. Ne perdons pas de vue qu’elle demeure un moyen, et pas une fin.

Il en va de même pour l’innovation et les startups de manière générale. Elles doivent pouvoir adresser des sujets soutenus par des business models concrets. Sans cela, toute puissante soit-elle, la tech ne restera qu’un joli instrument au service d’ambitions déçues.

🧐 La startup à suivre : Descartes Underwriting se lance dans le cyber et veut capter 5% du marché français

Descartes Underwriting a fait la une début février en annonçant s’attaquer à un nouveau marché. Après le climat, la pépite française du paramétrique se lance sur le cyber, et c’est une initiative intéressante à bien des égards.

Tout d’abord, voici un positionnement inédit sur la partie produit, qui tranche avec celui d’autres insurtechs davantage positionnées sur la distribution, des Américaines Coalition, At-Bay et Cowbell, à nos Françaises Stoïk et Dattak.

Il vient aussi conforter un sentiment. Celui que le problème principal autour du risque cyber réside dans la compréhension du risque. La frilosité des réassureurs sur le sujet, et la difficulté globale à débloquer des capacités pour l’adresser, appuient cette thèse.

Comme pour tous les risques émergents ou nouveaux risques (climat, actifs digitaux, véhicule électrique, etc.), la clé pour mieux adresser la menace cyber se trouve dans la donnée. Et ça tombe bien, puisque Descartes Underwriting a bâti sa réputation sur sa capacité à capter et sublimer des sets de data originaux pour construire des produits d’assurance avant-gardistes autour des risques climatiques.

Ici, l’insurtech de Tanguy Touffut repart de zéro, et c’est un vrai challenge. Mais elle dispose de la méthodologie, de la crédibilité et d’une équipe solide, avec notamment 63 data engineers, pour atteindre un objectif ambitieux : capter 5% du marché français dans les 18 prochains mois.

🌀 Le « game changer » : Amazon se casse encore les dents sur l’assurance. Les GAFA condamnés à l’échec dans le secteur ?

15 mois. La dernière initiative d’Amazon dans l’assurance aura donc duré à peine plus d’un an. En début d’année, la firme de Jeff Bezos a, en effet, annoncé la fermeture de son Insurance Store au Royaume-Uni. Ce nouvel échec a conduit certaines voix à valider, de nouveau, l’impossibilité des géants de la tech à s’imposer dans un secteur de l’assurance par essence immunisé à leurs appétits.

Il convient cependant de se poser les bonnes questions. Et la première d’entre elles : qu’y avait-il précisément derrière ce fameux comparateur ? En creusant, nous avons rapidement découvert qu’il n’apportait… pas grand chose.

En effet, ce portail ne se différenciait en rien d’un comparateur classique. Il fallait remplir de longs formulaires – même en disposant d’un compte Amazon qui disposait déjà de la plupart de ces informations ! – pour atterrir sur une grille mettant les offres les unes face aux autres, permettant une vue globale avant son choix définitif. Il y avait bien le produit de l’insurtech Urban Jungle mis en avant, mais la proposition d’ensemble était bien trop pauvre pour espérer une autre destinée.

Dans un passé récent, Google avait également lancé une offre de comparaison d’assurance. Qui avait aussi rapidement été arrêtée. D’où ce constat : tout GAFAM que l’on soit, il ne suffit pas de répliquer l’existant pour espérer faire la différence. Et la question de la valeur ajoutée est ici, et bien évidemment, aussi valable pour les géants.

Il ne faudrait, à l’inverse, pas tirer de conclusions hâtives quant à l’incapacité de ces entreprises à percer dans l’assurance. Un Tesla qui capte déjà 17% d’assurés avec son produit nouvelle génération a par exemple conçu un modèle innovant, basé sur sa propre data, qui connait déjà un joli succès.

Quant aux initiatives d’Amazon sur le cyber ou de Google qui s’apprête à faire son entrée au Lloyd’s, ce sont également des tentatives qui seront à suivre de très près. Qu’on se le dise, l’histoire est loin d’être terminée !

💰 Les principales levées du mois dernier en Europe

L’année est partie sur des bases très élevées avec la levée de fonds d’Hyperexponential début janvier. L’insurtech londonienne a en effet réalisé une Série B de 73 millions d’euros. Une superbe opération qui va lui permettre de poursuivre le développement de ses solutions avant-gardistes autour de la brique tarification.

CarbonPool a également marqué les esprits. L’insurtech suisse a aimanté plus de 11 millions d’euros à l’occasion d’un tour de seed qui a permis de la révéler au grand public. Elle se donne ainsi les moyens de ses ambitions, à savoir émerger sur la niche porteuse de l’assurance des crédits carbone, un marché prometteur.

Le palmarès de janvier est enfin complété par deux jeunes pousses françaises. Premièrement, Welfaire, qui a capté 3 millions d’euros pour soutenir son projet de devenir l’Alan des TNS. Et aussi Wesur, dont la levée de 1 million d’euros va l’aider à propulser son comparateur nouvelle génération.