« Être Amazon dans la souscription, mais la gestion de sinistre n'est pas un colis ! » - Regards sur les irritants dans l'assurance

« Être Amazon dans la souscription, mais la gestion de sinistre n'est pas un colis ! » - Regards sur les irritants dans l'assurance

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
28 octobre 2022 - 9 minutes

« À fuir ! », « Terrible ! », « Je ne conseille pas du tout ! » Toute assurance a déjà eu droit à ce type de remarque en ligne. Mais qu’est-ce qui pousse les assurés à écrire de tels commentaires ? Demain l’assurance s’est posé la question et a souhaité réunir des membres du secteur assurance pour discuter de leur expérience sur les irritants qui nuisent à leur réputation et force la défiance des Français. Eficiens revient sur cette conférence qui tente de répondre à une question cruciale : quels sont ces irritants et comment les gérer ? 

Pourquoi y a-t-il défiance ?

Lors d’un conflit entre deux parties, l’une des premières étapes consiste faire intervenir un médiateur. L’assurance n’échappe pas à cette règle ! Le Médiateur de l’assurance, en première ligne de discussion avec les assurés, est donc en bonne position pour identifier les irritants.

Selon Arnaud Chneiweiss, lui-même Médiateur, le principal problème viendrait des zones floues et abusives dans les contrats, surtout au niveau des exclusions. Certains contrats d’assurance dommage et habitation excluent, dans les conditions de prise en charge, la négligence et le trouble psychique, entre autres choses. Dans ce cas-là, ces exclusions sont très peu explicites pour les assurés. Ce genre de pratique est désormais condamnée par la Cour de cassation qui demande plus de précision et de clarté de la part des assureurs.

Autre problème rencontré selon Arnaud Chneiweiss : la complexité du jargon utilisé dans les contrats d’assurance. Souvent trop longs, ils restent incohérents pour l’assuré. Par exemple, la Sécurité Sociale et les assureurs peuvent utiliser le même mot dans leur contrat, mais lui donner deux significations différentes. Prenons le mot “accident”. Pour qu’il y ait accident du point de vue d’un assureur, il y a des cases à cocher. Or, elles n’apparaissent pas forcément sur le contrat : la soudaineté, une cause extérieure, l’imprévisibilité et la non-contribution de la personne concernée. Pour certains, tomber d’une échelle n’est pas un accident. L’assuré, victime de cette chute, affirmera le contraire. Cette incompréhension naît du manque de précision du contrat.

Ainsi, pour la Médiation de l’assurance, les raisons objectives de la défiance des Français sont dans un premier temps le vocabulaire employé par les assureurs dans les contrats. Ensuite, le problème se pose aussi dans les modalités de résiliation. Aujourd’hui, il existe 16 cas différents. L’assuré ne peut pas tout comprendre. La meilleure solution reste ainsi de faire de la pédagogie sur le fonctionnement d’un contrat d’assurance.

3 indicateurs pour comprendre l’évolution des avis des Français

OpinionWay et l’Argus de l’Assurance ont publié un baromètre qui mesure les performances de 16 assureurs et 10 bancassureurs. Il permet ainsi de comprendre l’évolution des avis des Français de 2011 à 2021. À travers cette étude, Benoît Parraud d’OpinionWay nous présente les trois indicateurs clés dans l’évolution des avis.

Tout d’abord, l’image. 54 % donnent une bonne note à leur assureur. Cependant, il y a un décalage entre l’image qu’a l’assurance en général et ce que pensent les personnes de leur propre assurance. En 2011, ceux dont le revenu était inférieur à 1 500 € ainsi que les jeunes de 24 à 35 ans avaient une mauvaise image de leur assurance. En 2021, ce sont principalement les moins de 35 ans et plus particulièrement les 18/29 ans qui conservent cette image négative.

Le second indicateur d’évolution est la relation avec l’assureur. Majoritairement, les utilisateurs sont satisfaits de leur assurance et leur attribuent une bonne note. Toutefois, comme pour l’image, les jeunes semblent les plus mécontents de cette relation et n’hésitent pas à le faire savoir.

Enfin, troisième indicateur, l’attrition. Aujourd’hui, 36 % des assurés expriment leur intention de changer d’assurance pour au moins un produit. Parmi eux, 42 % sont des CSP+ et 48 % ont entre 25 et 34 ans. Les raisons données sont soit financières, soit résultent d’un mécontentement de la qualité du service fourni et des offres proposées.

Ce n’est pas le sujet qui crée l’irritation mais son traitement

Aujourd’hui, pour savoir ce que pensent les gens de leur assurance, c’est simple. Il suffit d’un tour sur les forums de discussion en ligne. Analyser les mots utilisés pour décrire les entreprises permet de se faire une autre idée des irritants rencontrés. Et c’est la démarche privilégiée par Qwam, leader dans le domaine de l’analyse et la valorisation des textes en masse grâce à l’IA.

Leurs équipes peuvent donc fournir une idée de ce qui peut irriter les utilisateurs à un moment précis. Ils ont pu constater que ce ne sont pas les sujets qui créent l’irritation, mais leur traitement. L’élément qui revient le plus et qui est au cœur des attentes est le service client. Il doit être efficace et rapide au niveau de sa prise en charge, des services qu’il offre et de son accueil téléphonique. En un mot : irréprochable !

Évidemment, la puissance des critiques dépend de l’urgence de la situation. Mais, fait plus étonnant, il faut également prendre en compte la personnalité, voire le groupe socio-professionnel des assurés. En effet, avec cette étude, Qwam a pu constater que certaines catégories de personnes sont plus exigeantes.

Par exemple, d’après les forums étudiés, il semble que les individus issus du service médical souhaitent des traitements plus rapides que la moyenne. Des mutuelles comme la MACSF, dédiées à cette branche de métier, se retrouvent donc avec des avis négatifs pour des éléments qui ne sont pas encore un problème chez d’autres mutuelles. 

Qu’en pensent les assureurs ?

On ne pouvait pas parler des irritants sans donner la parole aux assureurs eux-mêmes ! Demain l’assurance a donc réuni quatre acteurs pour en parler et exposer leurs solutions. Autour de la table, on trouve Allianz avec Maïta Desplanques du service Unité Data, Engagement, Marketing & Stratégie, la MACIF avec son Directeur Opérations Expérience Client, Sébastien Poiblanc, Acheel et son fondateur Ralph Ruimy, et enfin, Wakam représenté par Denis Thaeder, Chief Mission Officier. Alors comment abordent-ils puis traitent-ils cette question épineuse des irritants ? Les solutions sont multiples, mais le but final est le même : privilégier l’écoute !

« Le moment de vérité, c’est le sinistre ! »

Chez Allianz, Maïta Desplanques explique que les équipes mesurent, lors des moments clés d’interaction avec leurs adhérents, si le service a été rendu ainsi que l’empathie ressentie. Elles portent également une grande attention aux avis en ligne qui sont traités afin d’évoluer leurs services. Selon elle, leur plus grand défi est « d’avoir un service client qui puisse apporter de la considération aux assurés à toutes les étapes. » Ainsi, Allianz avoue ses torts, si c’est le cas. L’entreprise présente ses excuses et offre un cadeau à l’assuré. Elle met par ailleurs un point d’honneur à remercier les clients satisfaits. 

Autre assureur historique, autre défi. À la MACIF, le but est d’incarner les valeurs dans les interactions très peu nombreuses avec l’assuré. Pour Sébastien Poiblanc, « le vrai moment de vérité, c’est le sinistre ». Il explique que les clients regardent souvent ce que font les autres. Et, si parfois la comparaison peut paraître exagérée, il faut alors passer par la pédagogie pour aider les assurés. De plus, avec ses 5,5 millions de sociétaires, la MACIF s’est lancée dans la gestion de masse des avis client. Cependant, ce dernier doit conserver l’impression que ce soit géré personnellement.

S’engager pour mieux protéger la société

Du côté de Wakam, après avoir connu une grosse refonte générale, l’entreprise s’oblige désormais à un exercice d’amélioration permanent. Pour Denis Thaeder, le réel sujet est de savoir comment s’améliorer dans le temps et comment réussir à gommer les irritants. Par exemple, les équipes ont observé chez leurs clients un manque de compréhension des courriers qu’ils recevaient. Elles en sont donc arrivées à la conclusion qu’il fallait transformer dans la forme et dans le fond les contrats pour fluidifier la relation client afin de rétablir la confiance. Ils ont d’ailleurs signé un partenariat avec In clear terms afin de simplifier leurs documents contractuels.

Denis Thaeder explique également que les attentes des clients ont évolué, surtout chez la nouvelle génération. Cette dernière exige que les entreprises soient plus engagées dans le quotidien. Elle rappelle ainsi l’assurance à son rôle premier : protéger la société. Cela se traduit par un fort engagement environnemental et sociétal. Et Wakam l’a bien compris en devenant société à mission et en créant le fonds de dotation Wakam for Good. Ce dernier tente de favoriser l’inclusion des populations financièrement et psychologiquement exclues. 

« On se doit d’être Amazon dans la souscription mais la gestion des sinistres n’est pas un colis ! »

Enfin, il fallait l’avis d’une jeune pousse du secteur ! Une insurtech qui s’est construite en réponse aux nouvelles attentes des clients, notamment avec l’avènement du digital. Ainsi, lorsque Ralph Ruimy lance Acheel en 2020, il a plusieurs objectifs à cœur.

Il souhaite tout d’abord que les assurés puissent choisir les garanties qui leur convient dans leur contrat. Selon lui, « quand les personnes ont compris leur contrat, ils comprennent ce qu’ils ont, ils ont l’impression d’être mieux couverts. Ils sont alors plus satisfaits ! » Ensuite, le fondateur d’Acheel insiste sur le fait qu’il ne faut pas se tromper sur qui sont leurs futurs clients. Leur défi est donc désormais de comprendre les besoins en termes de transparence et de relation client d’une génération biberonnée à Amazon.

« Avec cette nouvelle génération, internet a créé des “monstres”. Par conséquent, on se doit d’être Amazon dans la souscription, mais la gestion de sinistre n’est pas un colis. On doit savoir où en est cette gestion tout en imposant des limites ! »

Parmi les problèmes qu’il a pu rencontrer, Ralph Ruimy parle également de la relation avec les prestataires qui ne sont pas calibrés sur la rapidité des insurtechs. Résultat, la réponse des assurés a été directe. Ce n’est pas suffisant d’être efficace et rapide sur la souscription si la gestion des remboursements est archaïque.

De plus, Acheel est conscient de l’importance de la relation client. Pour cela, la jeune pousse a dédié 10 % de son effectif au service client alors que 70 % de ses clients ont souscrit sans aide. Mais, ils savent qu’au moindre souci, l’assuré voudra une réponse rapide. Même si l’assurance est entièrement digitalisée, elle a besoin d’une personne à l’autre bout du fil.

Si l’on revient à la question initiale sur quels sont les irritants et comment les traiter, on constate que le principal problème vient d’un manque de compréhension entre l’assuré et l’assurance. Certains assureurs estiment ainsi qu’il faudrait pouvoir suivre le contrat avec les assurés sur le temps long afin d’évoluer avec lui et ses besoins. En règle générale, les demandes des clients sont cohérentes. Un service client irréprochable et des contrats clairs et lisibles semblent un bon début pour une nouvelle entente entre assureurs et assurés.