Insurtech Express #4 - 7 questions à Samya Badouraly de Caarl

Insurtech Express #4 - 7 questions à Samya Badouraly de Caarl

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
24 février 2023 - 7 minutes

Impayés, contrôle fiscal, procédure aux prud’hommes… Le quotidien des entrepreneurs est loin d’être un long fleuve tranquille. Et, lorsque survient un problème de nature juridique, il est souvent bien compliqué pour eux de trouver la bonne personne. Quand c’est le cas, les services de celle-ci sont, de toute façon, bien souvent inaccessibles financièrement ! Un sacré casse-tête, donc. Mais ça, c’était avant Caarl.

Samya Badouraly

L’insurtech s’est donnée pour mission de réinventer la protection juridique. Ce, grâce à deux leviers : le digital et l’assurance. Un projet ambitieux qui séduit. Caarl vient, en effet, d’annoncer un partenariat avec le fleuron de la fintech Qonto, et compte bien enchaîner dans les mois à venir. Samya Badouraly, enthousiaste CEO et cofondatrice de la jeune pousse, s’est prêtée au jeu de l’Insurtech Express. Découverte !

👨‍🏫 Hello Samya ! Caarl, c’est quoi ? Attention, il faut être clair comme si tu pitchais devant une classe de CM2 !

Alors, les enfants… Vous connaissez les délégués de classe, qui sont là pour vous défendre. Quand vous serez plus grands, vous pourrez aussi faire appel à des gens pour vous aider si vous avez un problème. On les appelle des avocats. Petit problème : souvent, ils ne sont pas faciles à trouver, et il faut casser sa tirelire pour payer leurs services.

Avec Caarl, vous pouvez nous appeler, et on vous aide à trouver les avocats. On vous aide aussi à les payer, grâce à l’assurance. L’assurance, c’est quoi ? C’est comme une grosse tirelire, dans laquelle chacun met des pièces. Et le jour où quelqu’un a un problème, on casse la tirelire pour prendre l’argent et l’aider.

En bonus : tout se passe sur votre téléphone, et c’est aussi simple que d’envoyer un snap à ses copains – avec un filtre avocat !

🍾 Comment tout a commencé pour Caarl ? Sur les bancs de l’école, lors d’une soirée arrosée ?

Caarl, ça a commencé par une rencontre. Celle avec mon coach Mathieu Bouillon, qui est aujourd’hui mon associé. A l’époque, le Barreau de Paris avait lancé un programme pour incuber les avocats qui avaient des idées de legaltech. J’avais été sélectionnée pour mon projet autour de l’audit du contrat de bail, tout ça en mode digital, évidemment.

Mathieu était alors en charge du fonctionnement opérationnel de l’incubateur. On s’est très bien entendus et, rapidement, on a eu l’envie d’avancer ensemble. Au départ, on a eu le projet d’imaginer une plateforme de recouvrement. Puis on a lancé Avopoints, une legaltech qui mettait en lien des automobilistes avec des avocats en droit routier.

De fil en aiguille, on s’est dit qu’il y avait un truc à faire avec l’assurance, l’accès au droit, les avocats, la visio… et de pivot en pivot, on est arrivés à Caarl. On a choisi ce nom car on se positionnait au départ sur la verticale de la mobilité, mais on a rapidement élargi nos horizons.

Caarl, aujourd’hui, c’est une insurtech qui réinvente la protection juridique en la transformant en produit d’assurance. Nous sommes ainsi capables de proposer un service à forte valeur ajoutée à un coût abordable, car il est payé par l’assurance.

🔢 Si on ne devait retenir qu’un chiffre pour illustrer Caarl ? Le nombre de cafés écoulés depuis le début de l’aventure ?

Je dirais moins de 3 mois. C’est le temps qu’il nous a fallu pour déployer notre service de visio-avocat sur 4 pays (France, Allemagne, Italie et Espagne) l’an dernier, dans le cadre de notre partenariat avec Qonto.

On a dû partir en quête d’avocats locaux dans chacun des pays. Et c’était un sacré défi, de les dénicher, de les convaincre et de les embarquer sur la plateforme. Avec certains, on partait de loin, car ils n’avaient jamais entendu parler du concept d’insurtech ! Il y avait aussi d’autres subtilités, comme trouver des professionnels parlant le catalan, en Espagne, par exemple.

Pour y parvenir, on a activé nos réseaux et on a ciblé des avocats qui travaillaient déjà avec des startups, notamment. On a également pris nos téléphones pour les contacter directement. Et là, il fallait souvent passer la barrière du secrétariat pour leur parler !

Parfois, on a donc feint de les connaître, on a prétexté avoir déjà des dossiers en cours chez eux, on a missionné les membres de l’équipe qui avaient le meilleur accent dans telle ou telle langue. On a un peu rusé donc, et au final, on a embarqué une vingtaine d’entre eux dans le projet.

💪 Bosser dans une insurtech, c’est un monde de défis ! Tes plus gros challenges au quotidien ?

Une chose très difficile, c’est de parvenir à conserver l’UX et la qualité de service quand on discute avec des assureurs qui veulent t’embarquer dans leurs process. Il ne faut pas se laisser happer par leurs contraintes, et c’est un vrai challenge ! Au départ, on ne parlait pas du tout le même langage. Aujourd’hui, ça va toutefois mieux car ils identifient bien la valeur ajoutée qu’on leur apporte.

Un autre enjeu du quotidien, évidemment, consiste à trouver des clients. Nous sommes une petite équipe de cinq membres. Tout le monde s’y met, en mode brainstorming, partage d’idées, activation des réseaux… Bien sûr, chacun a ses spécialités, mais il faut que l’on mutualise nos forces pour y arriver.

Enfin, notre travail ne s’arrête pas à la signature du contrat avec le client. On a noué un partenariat avec Qonto qui nous donne 100 000 clients en base. C’est bien, mais derrière, il faut les activer. Nous devons donc déployer des actions marketing et communication pour inciter les gens à utiliser nos garanties. C’est un nouveau travail qui commence pour nous. Et c’est sans compter le service client, qui est également un enjeu fondamental.

🧐 Si on parlait de demain. Dans 3 ans, Caarl, ce sera quoi ? Et dans 13 ans ?

Dans 3 ans, le leader de la protection juridique digitale, en France. Et dans 13, en Europe !

Surtout, Caarl se sera déployé et touchera tous les secteurs d’activité. Ce sera un réflexe du quotidien, que l’on souhaite vérifier les contrats de ses salariés, divorcer ou gérer la succession de ses parents.

On voudrait être aussi gros qu’un Doctolib, par exemple, en matière de notoriété. En assurant à la fois la prise de rendez-vous, mais aussi la prise en charge.

🌀 Ça bouge beaucoup dans l’assurance. Une info qui t’a interpellée dernièrement ?

Une grosse tendance du moment, c’est clairement l’embedded. J’ai été notamment impressionnée par les levées réalisées en France par Neat, Evy ou Owen. Elles ont aimanté des montants significatifs alors qu’elles sont au début de leur activité. C’est un signal fort !

Ce modèle redistribue les cartes et les opportunités sont énormes, au-delà de l’e-commerce et du retail. Les partenariats se multiplient, à l’instar de Qonto qui a choisi Qover, en plus de nous, par exemple. C’est aussi ce qui nous a incités à nous positionner sur de la PJ embarquée.

Le marché de la protection juridique est estimé à 1,5 milliard d’euros en France. Certains de nos partenaires nous certifient qu’ils ne seraient jamais passés par un acteur traditionnel pour déployer leur offre de PJ. Cela nous conforte évidemment dans notre positionnement !

😋 Question bonus (et ça restera entre nous ! ). Raconte-nous une anecdote dont tu n’as jamais osé parler sur les réseaux.

Au départ, on n’avait pas de bureaux. On utilisait donc un coworking situé dans un lobby d’hôtel. Et c’était forcément compliqué d’expliquer cette situation à certains prospects, ça mettait en péril notre crédibilité.

J’avais donc des valises derrière moi, et je faisais croire que j’étais en déplacement professionnel à Paris. Alors que j’étais en fait là tous les jours, à 200 mètres de chez moi !

Cette période a duré six mois. Un prospect m’a démasquée une fois car je donnais toujours rendez-vous au même endroit, mais c’était bienveillant. Au final, ça rappelait un peu la célèbre image du garage de Steve Jobs !

📸 En bonus : une photo d’époque du fameux lobby – et ce n’est pas un fake !