Insurtech Express #3 - 7 questions à Quentin Sauvée de Jaji

Insurtech Express #3 - 7 questions à Quentin Sauvée de Jaji

Sarada Nourby
Rédigé par Sarada Nourby
16 février 2023 - 8 minutes

Bâtir une assurance depuis le début, c’est le pari fou que s’est lancé Quentin Sauvée. Animé par une forte envie de faire bouger les lignes, cet entrepreneur dans l’âme quitte un jour son poste dans un grand groupe pour lancer un projet qui lui tient à cœur. Son but : construire une mutuelle engagée et moderne, qui répond aux grands enjeux environnementaux et sociaux du siècle. Elle s’appellera Jaji.

Quentin Sauvee, fondateur et CEO de Jaji

Toute jeune insurtech créée en 2020, Jaji est une complémentaire santé qui se dit solidaire. 100 % digitale, elle souhaite utiliser la technologie pour simplifier la vie des utilisateurs. La jeune pousse, financée par le groupe Klésia, cherche désormais à accélérer sur un segment où d’autres acteurs sont déjà bien implantés. Pas de quoi effrayer Quentin qui, avec un positionnement moderne et répondant aux attentes de l’époque, entend bien se faire une place au soleil.

👨‍🏫 Hello Quentin ! Que fais-tu chez Jaji ? Attention, il faut être clair comme si tu pitchais devant une classe de CM2 !

Je suis Quentin Sauvée, le CEO de Jaji. Pour faire simple, je suis un peu le chef d’orchestre de cette aventure. Mon rôle principal, c’est d’animer et de bâtir une équipe pour pouvoir construire Jaji.

Et Jaji, c’est quoi ? En quelques mots, c’est faire du neuf avec du vieux. C’est réussir à amener le monde de la mutuelle au 21ᵉ siècle grâce au digital, à la technologie. Ce qui va ainsi permettre de se concentrer sur l’expérience de nos utilisateurs et sur la qualité d’accompagnement de nos équipes.

Pour expliquer aux CM2 ce qu’est une mutuelle : c’est un pot commun, une tirelire constituée par des personnes qui ont décidé de toutes verser de l’argent pour se protéger. 

🍾 Comment tout a commencé pour Jaji ? Sur les bancs de l’école, lors d’une soirée arrosée ?

Jaji, ça a d’abord démarré par une démission. J’étais consultant puis directeur de projet au sein du groupe Klésia pour travailler sur des sujets de transformation, de stratégie, de croissance externe, etc. Et tout ça dans le domaine de la protection sociale. Après plusieurs projets, j’en ai eu marre !

Je me suis retrouvé confronté à un secteur dont la capacité à engager les grandes transformations du 21ᵉ siècle était assez limitée. Et pour plein de raisons comme le poids de l’histoire, des systèmes informatiques, des enjeux de formation et d’évolution du métier, etc. Et donc, j’ai démissionné. Parce que je n’arrivais pas à faire bouger et transformer ces gros paquebots. 

J’avais des projets dans le domaine de l’entrepreneuriat. C’est à ce moment que celui qui était à la fois mon boss chez Klésia et mon mentor m’a donné ma chance. Il m’a dit : «  Tu veux entreprendre, pourquoi ne le ferais-tu pas chez nous ? ». Et c’est comme ça que je me suis retrouvé en face de lui ainsi que du DG de Klésia pour leur proposer de reconstruire une mutuelle depuis une feuille blanche.

C’est comme ça que tout a démarré. Ensuite, il y a eu d’autres échanges, l’obtention d’un financement, les recrutements des premiers collaborateurs, etc. Mais tout est né de cette démission. C’était pour moi le moyen d’allier mes ambitions d’entrepreneur avec un modèle un peu différent. 

🔢 Si on ne devait retenir qu’un chiffre pour illustrer Jaji ? Le nombre de cafés écoulés depuis le début de l’aventure ?

Ça serait, à peu de choses près, 217 357 post-it ! C’est un chiffre qui illustre bien comment est née notre aventure. Déjà, un post-it, c’est moins cher que les slides d’un consultant. J’étais consultant, donc je sais ce que ça vaut. Et surtout, c’est pour moi, un très bon moyen de travailler différemment et de passer à l’action.

Quand on a réfléchit à notre lancement (où, quand, comment), on a fait beaucoup de post-it. J’avais dit à l’équipe : on a 3 mois pour sortir un deck d’investissement, je ne veux aucune slide. On ne le fera qu’une fois, pour préparer la présentation, c’est tout. Et c’est ce qu’on a fait.

Souvent à l’époque, on s’est moqué de moi, on m’a dit : « Avec tes post-it, tu ne vas pas changer le monde ! » C’est vrai que j’en repeignais les murs pour dessiner des roadmaps, faire des priorisations de produits, penser la stratégie d’entreprise, l’organisation, le modèle RH. Et en fait, tout ça nous a permis de nous concentrer davantage sur la création de valeur que sur des slides. C’est un chiffre anecdotique, mais qui illustre bien notre ADN et le début de notre aventure. 

💪 Bosser dans une insurtech, c’est un monde de défis ! Ton plus gros challenge rencontré en 2022 ?

Notre plus gros challenge depuis le tout début, et qui est toujours notre priorité, c’est la dream team, c’est l’équipe. Ça a été un vrai défi pour la recruter. Il fallait, au démarrage, être suffisamment fou pour suivre quelqu’un qui dit qu’on va recréer une mutuelle entièrement !

Et progressivement, il a fallu apprendre à faire coexister un mix de talents, de métiers, qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Le métier de la complémentaire santé, ça ne s’invente pas. Donc, il faut des experts. Et ces experts-là, il faut les faire coexister avec d’autres métiers qui sont aujourd’hui essentiels dans le développement des jeunes pousses. Tous ces métiers du digital, les designers, les products owners, les scrum masters, etc. Ce sont eux qui permettent de travailler différemment pour construire autrement de la valeur. 

C’est donc mon plus gros défi, mais c’est aussi ma plus grosse fierté. Parce qu’au-delà de construire un projet ambitieux, cette équipe porte aussi beaucoup de valeurs, à la fois individuellement et collectivement. Et ça, j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Et on essaie d’en prendre particulièrement soin, car c’est quelque chose qui évolue au même rythme que les saisons !

🧐 Si on parlait de demain. Dans 3 ans, Jaji, ce sera quoi ? Et dans 13 ans ?

Alors d’ici 3 ans, on aura réussi si on arrive à :

1/ Être la mutuelle n°1 des entreprises engagées, au sens large. Engagées pour la société, pour l’environnement, pour les salariés, etc. Engagées dans la manière de faire, et peu importe dans quel secteur ces entreprises interviennent.

2/ Devenir également un acteur de référence dans la transformation du secteur de la protection sociale. En effet, Jaji est aussi une plateforme. Et elle a vocation à permettre à d’autres mutuelles de se moderniser.

Si nous arrivons à atteindre ces objectifs en 3 ans, dans 13 ans, on souhaiterait atteindre notre graal, à savoir devenir un acteur de référence dans la modernisation du système de santé en France.

Pour moi, une mutuelle, ou tout autre acteur de la protection sociale, doit avant tout être un acteur de la santé, et non pas de la finance. Je dis souvent qu’on aura réussi Jaji quand, plutôt que de me lever tous les matins pour savoir combien on a vendu de contrats d’assurance, je participerai à des réunions pour parler de la rénovation d’un hôpital ou de l’ouverture d’un centre de soins.

🌀 Ça bouge beaucoup dans l’assurance. Une info qui t’a interpellé dernièrement ?

Pour moi, c’est plutôt plusieurs infos, un faisceau d’indices, un mouvement de marché. J’observe énormément d’investissements pour moderniser et transformer l’assurance. Et ces investissements sont aussi bien du côté des insurtechs que des grands groupes. C’est une modernisation qui inclut des outils informatiques et de la data.

Tous ces acteurs se sont rendus compte que les enjeux de transformation, de numérique, sont intimement liés à la capacité d’aborder des sujets de fond. Cette info m’interpelle, car ça soutient complètement notre démarche. Ces gros acteurs qui investissent pour se moderniser nous confirment que la voie que nous avons choisie il y a 3 ans, c’est celle qui aujourd’hui leur semble la plus naturelle pour adresser les grands enjeux de notre siècle. C’est très encourageant pour nous, même si le challenge n’en est que plus grand. 

Et dans un autre registre, je trouve très intéressant l’annonce de la MAIF sur son fameux « dividende écologique ». Je suis convaincu que les entreprises ont leur rôle à jouer dans la transition écologique. Or, parmi celles qui ont la capacité de faire ce que vient d’annoncer la MAIF, à date, il n’y en a pas beaucoup qui emboîtent le pas.

Cette nouvelle m’a fait plaisir parce que c’est aussi dans cette voie qu’on veut se diriger chez Jaji. Ça me touche à la fois en tant qu’entrepreneur, mais aussi en tant que citoyen. 

😋 Question bonus (et ça restera entre nous ! ). Raconte-nous une anecdote dont tu n’as jamais osé parler sur les réseaux.

J’avais dit à ma mère que je ne bosserais jamais dans les assurances… 

Je suis le fils d’un père agriculteur biologique et d’une mère très engagée dans le social. Le jour où elle m’a vu partir en école de commerce, elle s’est dit « oulala, il est train de vriller ! ». Et quand je me suis retrouvé dans ce secteur, à un moment, je me suis posé la question de pourquoi j’y étais.

Les enjeux et les valeurs que j’ai pu y trouver, notamment avec le modèle des mutuelles, me boostent. Je pense que c’est un secteur qui peut faire plein de choses et avoir un impact fantastique. Donc, maintenant, ma pauvre maman, j’essaie de lui expliquer que je bosse dans le monde de l’assurance pour essayer de le transformer, modestement, à mon échelle. Et ça va, elle le prend bien !