Jeux olympiques et coronavirus : un révélateur pour l'assurance

Alexandre Pengloan
Rédigé par Alexandre Pengloan
25 mars 2020 - 5 minutes

C’est désormais officiel : les Jeux olympiques de Tokyo prévus en juillet 2020 sont reportés. L’annonce du 24 mars n’a rien de surprenant dans le contexte actuel… si ce n’est qu’elle relevait de l’impensable il y a encore quelques jours ! La crise liée à la pandémie de coronavirus rappelle quotidiennement à quel point elle est extraordinaire. Pour le secteur de l’assurance, ce nouvel épisode est loin d’être neutre.

Report des Jeux olympiques de Tokyo : un renversement de situation éclair

Dans cette affaire du report des JO 2020, la première chose qui frappe est la vitesse du retournement de situation. Pour essayer de bien saisir la célérité du processus, prenons un peu de hauteur à l’aide d’une chronologie des événements :

  • 22 janvier : 2 premiers cas de coronavirus répertoriés au Japon
  • 3 février : Seiko Hashimoto, ministre japonaise des Jeux olympiques, déclare que les « organisateurs n’envisagent pas d’annuler l’événement » en raison du coronavirus
  • 4 mars : Le CIO n’a évoqué « ni annulation, ni report des Jeux olympiques »
  • 11 mars : La NBA suspend la saison de basket aux Etats-Unis
  • 14 mars : Le Premier Ministre japonais, Shinzo Abe, promet que Tokyo accueillera bien les Jeux olympiques en juillet
  • 18 mars : L’UEFA reporte l’Euro 2020 de football en 2021
  • 22 mars : Alors que de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le report (athlètes, dirigeants, pays dont le Canada qui annonce son refus de participer en juillet), le CIO annonce qu’il décidera d’ici quatre semaines d’un éventuel report
  • 23 mars : Le CIO précise que le parcours de la flamme restera inchangé
  • 24 mars : Le CIO officialise le report des Jeux olympiques 2020

Il s’est donc écoulé moins de deux mois entre la détection du virus au pays du Soleil-Levant et le report des Jeux olympiques. Le gouvernement japonais, le COJO comme le CIO, semblent clairement avoir été pris de cours. Preuve que cette pandémie est aussi unique dans sa capacité à redéfinir complètement les temporalités dans la perception et la gestion d’une crise. Comme les modèles de l’assurance, un secteur secoué de tous les côtés par le coronavirus ?

Une situation inédite dans l’histoire de l’olympisme

L’épidémie a complètement bouleversé les calendriers. Événementiel, culture, sport, aucun secteur n’échappe à la crise. Au milieu de cette nuée d’annulations et de reports, les Jeux olympiques font toutefois figure de révélateur. En effet, la grande manifestation quadriennale est un pachyderme, au sens propre comme figuré. On ne bouge pas aussi facilement les JO qu’un match de football ou un festival de musique.

Économiquement et symboliquement, les enjeux sont énormes. Depuis leur première édition moderne en 1896, les JO n’ont été annulés qu’en temps de guerre (1916, 1940, 1944). Les autres soubresauts de l’Histoire, du soufre précédant Berlin 1936 aux boycotts de la Guerre froide, en passant par le spectre du terrorisme à Munich en 1972 ou des débats autour de Pékin en 2008, n’ont jamais eu raison de la solidité des anneaux. « The show must go on » a toujours été le mot d’ordre. C’est dire si ce report lié à la pandémie de coronavirus revêt un caractère exceptionnel et doit forcément interpeller les spécialistes de l’assurance.

Report des Jeux olympiques et assurance : un secteur très exposé

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De nombreux événements ne bénéficient pas de couverture en cas de pandémie. Ce n’est toutefois pas le cas des Jeux olympiques. Prévoyant, le CIO souscrit, depuis 2004, un contrat d’assurance spécifique qui le protège dans un cas de figure comme l’épidémie de coronavirus. Le Comité d’organisation japonais, est, lui aussi couvert. Il faut dire que les enjeux sont colossaux. Le Japon a dépensé plus de 11 milliards € pour préparer les Jeux. Sponsors et médias ont déjà investi beaucoup d’argent. Goldman Sachs estime ainsi le manque à gagner à 4,5 milliards € pour le pays en 2020.

Les analystes de Jefferies indiquent que les assureurs et réassureurs sont exposés à plus de 2 milliards € de dommages assurés – plus 600 millions € pour l’hébergement. Le seul Swiss Re est ainsi exposé à 230 millions € ! Il n’est ici pas question d’annulation, mais de report. La différence est importante, mais les pertes seront malgré tout au rendez-vous. Plusieurs points d’attention sont à considérer :

  • la maintenance des équipements et la nécessité de tout préparer de nouveau l’année prochaine va coûter approximativement 3,5 milliards €
  • l’économie nippone va trinquer : le Japon ne bénéficiera pas du « boost » attendu lié à l’organisation des Jeux
  • enfin, de nombreux secteurs et entreprises impliqués dans l’aventure olympique vont être directement et sévèrement touchés

Par rebond, l’assurance va être concernée à différents niveaux et la facture risque d’être salée. Sans annulation, le secteur échappe certainement à une petite catastrophe. Il n’en sortira néanmoins pas indemne. Par ailleurs, si les Jeux olympiques représentent un bon révélateur de la crise, ils ne demeurent pas moins une goutte dans l’océan international des enjeux qui impactent, et vont continuer d’impacter l’assurance, durant les mois à venir.

Fin 2019, les risk managers d’Allianz avaient classé le risque pandémique en 17e position de leur liste des menaces pour l’année à venir. Un virus venu de Chine a complètement balayé ces prédictions. Surtout, il soulève de nombreuses questions quant à la capacité à se protéger efficacement face aux dangers du siècle – dont le changement climatique notamment. Au sortir de l’épisode coronavirus, les assureurs devront se poser les bonnes questions pour trouver le juste positionnement auprès d’un monde qui vacille dangereusement en ce moment.