Clarifier les contrats d'assurance, mission acceptée ! | Interview de Thibaut Meslay, fondateur de In clear terms

Clarifier les contrats d'assurance, mission acceptée ! | Interview de Thibaut Meslay, fondateur de In clear terms

Emilie Autin
Rédigé par Emilie Autin
21 octobre 2022 - 6 minutes

Avez-vous déjà lu un contrat d’assurance de A à Z ? Toutes les pages, des gros caractères aux tout petits ? La plupart des consommateurs n’ont pas envie de lire ces contrats longs et ennuyeux, auxquels ils ne comprennent souvent rien. Pourtant, ils sont la clé de leurs assurances, renfermant toutes leurs conditions de couverture… mais aussi les fameuses exclusions !

Comment apporter de la simplification dans ces documents essentiels ? Une agence de marketing s’est lancée dans ce grand défi : rendre lisibles les contrats d’assurance. In clear terms a vu le jour en 2020, sous l’impulsion de l’agence de communication Blue Neurones. Pour Eficiens, Thibaut Meslay, son fondateur, est revenu sur une ambition pouvant paraître folle, mais qui porte déjà ses fruits.

À l’heure de la transparence…

Eficiens : Bonjour Thibaut ! Peux-tu nous présenter rapidement In clear terms ?

Thibaut : In clear terms a été lancée courant 2020-2021. La réflexion est beaucoup plus lointaine cependant. Avec notre agence de marketing client Blue Neurones, on travaille sur les problématiques d’expérience client. Dès 2010, on a dû traiter un sujet de documents contractuels pour La Banque Postale. C’était quelque chose de très innovant à l’époque !

On s’est aperçu que ce type de document était assez délaissé, alors qu’il est central dans la relation client. Au fur et à mesure des années, on s’est retrouvés devant un paradoxe : l’expérience client est arrivée au centre des préoccupations des assureurs, mais sans s’attaquer au cœur de la relation, le contrat. Ce document était illisible pour les clients, mais aussi les équipes !

Qui sont les entreprises intéressées par ce service de simplification ? Ce projet de simplification dépasse-t-il l’assurance ?

On a effectivement beaucoup travaillé auprès des assureurs, comme La Banque Postale Assurances, ou Wakam récemment. Souvent, on travaille avec des acteurs qui distribuent leurs contrats, ce qui multiplie notre impact. Mais, le sujet des documents contractuels n’est pas le monopole de l’assurance.

Aujourd’hui, nous sommes en discussion avec des acteurs dans d’autres secteurs, comme l’énergie, l’immobilier ou d’autres. Leurs conditions générales ou spécifiques de vente ne sont pas non plus accessibles pour leurs clients ou leurs équipes.

Cette démarche est-elle vraiment utile ? Les assurés lisent-ils réellement ces contrats ?

Ça dépend à quel moment on cherche à intéresser. La plupart du temps, ces contrats sont utilisés quand on a une question, un problème, etc. Ça ne se lit pas comme un roman ! Donc ce qui est important, c’est que la personne puisse trouver rapidement l’information et la comprendre. Pas être dans la situation actuelle où l’on ne comprend pas et que l’on multiplie de ce fait les irritants.

Il faut jouer sur l’accessibilité des termes du contrat quel que soit l’endroit où l’assuré va chercher l’info : dans la FAQ du contrat, via la base de connaissances du chatbot ou sur l’interface conseiller au service client.

… les assurances changent ?

Simplifier, est-ce devenue une obligation dans le secteur ?

Est-ce un service recherché aujourd’hui, la simplification de contrat ? Comment faites-vous pour attirer de nouveaux clients ?

En vérité, la tendance est en train de s’inverser. Pendant des années, il y a eu un gros travail d’évangélisation, où on devait aller vers les entreprises. La prise de conscience était là, mais le sujet est tellement complexe qu’il n’était pas prioritaire.

Aujourd’hui, les sujets de transparence, d’éthique et de souveraineté utilisateur sont devenus des piliers dans la stratégie de certains acteurs clés. Les acteurs du milieu viennent donc vers nous avec cette volonté de transparence.

La simplification, la transparence, autant de mots que l’on entend de plus en plus. Est-ce un mouvement de fond qui va s’inscrire sur le temps long, ou juste une mode ?

Des discours discordants entre équipe et contrat ?

C’est quoi le contrat parfait pour In clear terms ?

Il y a tellement de paramètres possibles ! Nous, ce qui nous motive, c’est d’obtenir des CGV qui permettent à l’utilisateur de trouver les informations qu’il cherche. Quand il trouve l’information, il faut aussi qu’il la comprenne. C’est à partir de ces besoins basiques qu’on arrive à simplifier les choses. Avec ces deux points, on peut totalement transformer des CGV.

Le sujet n’est pas de faire court, mais clair et accessible. Dans la transformation qu’on propose, il y a deux pans : la refonte des CGV dans leur contenu ou leur design, et par leur accessibilité, donc par leur interface par exemple ou leur alignement avec d’autres contenus.

Entre les CGV écrites, et ce que disent les équipes, on retrouverait donc un double discours ? Tout le monde ne dirait pas la même chose ?

Nous avons mené une étude à ce sujet en 2020. Les équipes au contact des clients souhaitent des documents plus clairs, plus lisibles, plus compréhensibles pour offrir un meilleur service. Il faut que ces documents soient cohérents avec le discours des équipes et ce qu’il y a dans les FAQ du site. Sans source de vérité unique, on retrouve des discours dissonants, qui sont très coûteux pour l’entreprise et contreproductifs pour les clients !

Avez-vous déjà constaté des bizarreries dans certains des contrats que vous avez traités ?

Pour prendre un exemple, ça nous est arrivé de transformer un contrat deux roues, positionné d’un point de vue marketing sur la moto et qui pourtant excluait tous les rassemblements de motards ! Or le principe souvent, c’est que ce qui fait plaisir aux motards, c’est de se retrouver en groupe. Donc, si l’on veut d’adresser à cette cible, et bien, il faut en tenir compte dans le contrat.

Bon, c’est caricatural, mais la simplification des CGV permet d’entrer dans le détail des contrats existants afin de corriger les aberrations qui pourraient apparaître. La démarche qu’on mène permet certes de simplifier le contenu, mais également l’approche et le produit.

La rivalité insurtechs vs grands groupes en toute transparence

Simplification et réglementation, le mariage impossible ?

L’assurance est régie par beaucoup de réglementations. Grâce à notre expérience sur les marchés de l’assurance, et notre méthodologie, on intègre toutes les parties prenantes. On veut insuffler une transformation pour les clients, mais en respectant l’ensemble des contraintes réglementaires.

Sans transversalité, il n’y a pas de succès dans cette transformation ! Tous les services doivent être sur le pont. On demande à toutes ses unités de se transformer, mais sans leur donner les outils nécessaires. Grâce à In clear terms, on leur donne toutes les clés nécessaires. Par exemple, les directions juridiques sont très preneuses. Rendre plus clairs les contrats, c’est limiter l’exposition au risque, et aux contentieux !

Vous avez récemment travaillé avec Wakam, mais aussi avec des grands groupes. C’est quoi la différence quand on travaille avec des acteurs si différents ?

Wakam est une des rares insurtechs à distribuer ses propres produits, et à ne pas dépendre des contrats d’assurance de grandes entreprises. Pour travailler avec les deux côtés, on constate quelques différences. Chez les startups, les équipes sont plus réduites. On peut avoir un rythme différent. Mais, au final, on accompagne tous les acteurs avec le même objectif. 

Simplifier, mais jusqu’où ?

Simplifier les contrats est donc pour le bien de tous. Mais, comment simplifie-t-on des CGV ?

Généralement, les CGV sont en police 8, noir et blanc, pour tenir sur le moins de pages possibles. Le contrat est la base de la relation, il doit respecter des codes de communication à la fois dans le design mais aussi adopter un rewriting accessible. Il ne faut pas perdre les termes juridiques, mais les expliquer et ajouter du contenu si besoin.

Pour In clear terms, pas de levée de fonds en vue pour le moment. L’entreprise est soutenue par sa maison-mère, lui laissant le temps de s’installer confortablement. Le dirigeant nous l’a confié, la jeune pousse réserve des annonces dans les prochains mois. Restez connecté, on reparlera sans doute très vite de cette initiative qui simplifie nos vies et celle de nos amis assureurs !